CHAVOUOT

CHAVOUOT

11 au 13 juin 2024

Chavouot est l’une des trois fêtes de pèlerinage avec Pessah et Souccoth, son nom signifie «semaines» en hébreu, les sept qui la séparent de la fête de Pessah. En français, on l’appelle «Pentecôte » (du grec : « cinquantième », puisqu’elle tombe cinquante jours après Pessah).

Cette fête commémore la Révélation faite à Moïse sur le mont Sinaï, le don de la Torah et des Dix Commandements devant le peuple d’Israël réuni. A la synagogue, on lit les Dix Commandements, ainsi que le livre de Ruth, illustration de la fidélité sans faille du peuple juif à la Torah. Dans l’Antiquité, Chavouot était aussi la fête des moissons, raison pour laquelle on décore la synagogue avec des fleurs et des plantes.

Le Livre de Ruth fait partie des cinq rouleaux ou méguilot, qui se trouvent dans les Hagiographes ou Kétouvim, et qui sont lus lors de quelques fêtes toraïques ou rabbiniques.

Chir hachirim, Cantique des cantiques : Chabbat et Pessah
Routh, Ruth : Chavouot (on lit aussi Michlé ou Proverbes, il vaut mieux traduire Paraboles)
Kohélet, L’Ecclésiaste : Soukot
Esther : Pourim
Ekha, Lamentations de Jérémie : 9 av

Le choix de Ruth à Chavouot est d’abord justifié par le fait qu’une partie du récit se déroule en Israël, durant la moisson des blés, qui est justement la période dans laquelle tombe Chavouot. Nous verrons qu’il existe d’autres liens entre cette fête et le rouleau de Ruth.

Le livre des Juges

Le récit de Ruth se situe à l’époque des Juges (Choftim), c’est-à-dire entre le moment où les enfants d’Israël s’installent dans le pays de Canaan et le moment où la première royauté est proclamée avec Saül. Toute cette période est décrite dans le livre des  » Juges « , deuxième livre des Néviim ou Prophètes. Durant cette période, chaque tribu vit en quelque sorte en  » autogestion « , seules les trois fêtes de pèlerinage rassemblent les tribus, afin de reformer l’unité nationale comme lors de la sortie d’Egypte.

L’époque des Juges est surtout marquée par une infidélité permanente du peuple d’Israël à l’Alliance du Sinaï. Cette infidélité du peuple se traduit surtout par un syncrétisme religieux, c’est-à-dire un mélange entre hébraïsme et religion locale, ce qui pour la Torah est bien sûr une aberration.

Constatant cette infidélité, Hachem livre la ou les tribus amnésiques à la tutelle de ou des peuplade(s) païenne(s) environnantes.

Ployant sous de lourds impôts et méprisé du dominateur, le peuple se repend et crie vers l’Eternel qui suscite alors un libérateur, héros de guerre, qui délivre ses frères, et juge (au sens du pouvoir politique) sa tribu jusqu’à sa mort. Les Juges les plus célèbres sont Déborah (eh oui une femme !), Gédéon, Samson et Samuel. Tous les Juges ne sont pas des exemples de piété (Jephté par exemple qui sacrifiera sa propre fille après sa victoire), mais ils aiment leur peuple et leur apportent la liberté.

L’objet du livre des Juges est de montrer qu’une vie nationale en adéquation avait les principes du monothéisme éthique est extrêmement difficile à maintenir. L’idéal biblique appelle une vigilance permanente pour ne pas tomber dans les pièges de l’idolâtrie et dans les tentations de l’injustice et de l’immoralité. Et pourtant la volonté d’Hachem passe par-là : Israël doit être le peuple témoin de la Révélation, témoin d’Hachem, installé sur la terre des promesses, comme cela fut annoncé à Abraham dès sa première prophétie (Gn. XII,2).

Aux jours où jugeaient les Juges

Rachi traduit autrement le verset : « aux jours où l’on portait un jugement sur les Juges ».

Une société où les Juges sont eux-mêmes jugés est une société en chute morale. Rachi veut justifier la famine. Pour la Bible, il existe en effet un lien entre la morale et la nature. Cela n’est pas évident ! Quand la Torah dit par exemple: « Si vous écoutez Ma voix, Je vous donnerai la pluie en son temps » (Deut. XI, deuxième paragraphe du Chéma), elle crée un lien entre l’accomplissement de la Torah et la chute des pluies. Un météorologue pourrait être surpris d’une telle affirmation. Si la pluie tombe, dirait-il, c’est parce que les conditions climatiques (pression atmosphérique, température) sont réunies. La Torah, qui ne peut nier ces principes, se situe sur un autre plan. Hachem est le créateur de la nature et Il est celui qui révèle la loi morale. Israël en acceptant la Torah subordonne sa vie physique à sa vie morale et spirituelle.

En d’autres termes, si la famine s’abat ici sur la terre de Canaan, Israël doit réfléchir à ses manquements sur le plan du respect des mitsvot et notamment sur la mitsva de la dîme. Les Pirké Avot (Chapitres des Pères) enseignent (V.8) que la famine survient notamment quand le peuple ne donne plus le maasser, la dîme qui était l’impôt sur les récoltes et le bétail que l’on offrait aux prêtres (cohanim). Donner la dîme c’est faire acte de dépossession vis-à-vis de celui qui par définition n’a pas de terre, puisqu’il est consacré au service du Temple. En refusant, même par négligence, d’accomplir ce commandement, la société révèle une sorte d’individualisme douteux, le chacun pour soi qui est la porte à tous les abus.

Et un homme

Le mot ich dans la Bible désigne l’homme relationnel, l’homme moral, par rapport à adam qui désigne l’humain en général. Par extension, il peut désigner l’envoyé d’Hachem, (comme les trois  » hommes  » qu’Abraham reçoit et qui sont envoyés pour lui annoncer la naissance d’Isaac ou « l’homme » qui lutte avec Jacob est qui est un ange), voire Hachem Lui-même, comme dans le cantique de la mer Rouge (mer des Joncs) : « Hachem est un ich de guerre ». Ici il désigne à la fois le mari, mais d’abord un riche propriétaire, un notable de la tribu de Juda.

Bethlehem en Juda

Bethlehem veut dire « maison du pain ». La ville était connue à l’origine pour ses moulins et ses boulangeries. Au niveau de la symbolique, l’information est intéressante. Le lieu où l’on fabrique le pain se trouve dans le territoire de Juda (il existait également Bethlehem dans le territoire de Zabulon, cf. Josué XIX, 15), or Juda est la tribu de la royauté, d’où sera issu David.

Juda est dès l’origine appelé par le patriarche Jacob « le jeune lion » (Gn. XLIX,9). L’influence de ce quatrième fils s’était en effet révélée dans l’affaire de la vente de Joseph et celle de Benjamin (cf. Gn. XXXIII à XLVI). La royauté, le pouvoir politique, implique la responsabilité, gérer le partage des richesses, faire en sorte que chaque citoyen mange à sa faim. Ici, cet homme, ce notable s’enfuit, il ne joue plus le rôle d’un véritable fils de Juda. Certes, Abraham et Isaac s’étaient expatriés lors des famines qui arrivèrent en leur temps (Gn. XII,10, XXVI,1), mais ils partirent avec les gens de leur maison, ils restèrent responsables. Ce que reproche la tradition à Elimélekh est sa lâcheté.

Pour séjourner

« pour séjourner » et non pour demeurer, telle en tout cas, la première intention de la famille, par la suite nous verrons que le provisoire prendra un caractère permanent. Il y a là une attitude générale du juif qui s’installe dans l’exil et qui finit par devenir citoyen du pays d’accueil. C’est une constante de l’histoire juive.

Dans les champs de Moab

Moab est un territoire fertile (II Rois III,4), à l’est de la mer Morte. Moab veut dire  » de mon père « . En effet, l’ancêtre de ce peuple est le fils issu de l’union incestueuse entre Lot et sa fille aînée (Gn. XIX,37) après la destruction de Sodome. Au plan typologique, l’on trouvera chez Moab la tension entre l’hospitalité de la famille d’Abraham et la xénophobie des Sodomites. Cette haine de l’étranger s’exprimera dans le livre des Nombres (XXII,1) quand Moab tentera de maudire Israël via Bilaam et refusera d’offrir le pain et l’eau (Deut. XXIII,4), alors que l’hospitalité s’exprimera par Ruth justement.

Le Décalogue

Les 10 paroles

Alors D. prononça toutes ces paroles :

1) « Je suis l’Éternel, ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, d’une maison d’esclavage. »

2) « Tu n’auras point d’autre dieu que moi. Tu ne te feras point d’idole, ni une image quelconque de ce qui est en haut dans le ciel ou en bas sur la terre ou dans les eaux au-dessous de la terre. Tu ne te prosterneras point devant elles, tu ne les adoreras point; car moi, l’Éternel, ton D., je suis un D. jaloux (exigeant), et Je me souviens de la faute des pères sur les enfants jusqu’à la troisième et à la quatrième générations, pour ceux qui m’offensent; et J’étends Ma bienveillance à la millième, pour ceux qui m’aiment et gardent Mes commandements. »

3) « Tu n’invoqueras point le nom de l’Éternel ton D. à l’appui du mensonge; car l’Éternel ne laisse pas impuni celui qui invoque Son nom pour le mensonge. »

4) « Souviens-toi du jour du Chabbat pour le sanctifier. Durant six jours tu travailleras et t’occuperas de toutes tes affaires, mais le septième jour est la trêve de l’Éternel ton D. : tu n’y feras aucun travail, toi, ton fils ni ta fille, ton esclave mâle ou femelle, ton bétail, ni l’étranger qui est dans tes murs. Car en six jours l’Éternel a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils renferment et il s’est reposé le septième jour; c’est pourquoi l’Éternel a béni le jour du Chabbat et l’a sanctifié. »

5) « Honore ton père et ta mère, afin que tes jours se prolongent sur la terre que l’Éternel ton Dieu t’accordera. »

6) « Ne commets point d’homicide. »

7) « Ne commets point d’adultère. »

8) « Ne commets point de larcin. »

9) « Ne rends point contre ton prochain un faux témoignage. »

10) « Ne convoite pas la maison de ton prochain; Ne convoite pas la femme de ton prochain, son esclave ni sa servante, son bœuf ni son âne, ni rien de ce qui est à ton prochain. »

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